24 Avril 2015

La redécouverte de 67P par des astronomes amateurs français

En relançant sa campagne de collaboration entre les astronomes amateurs et professionnels, le 8 avril dernier, l’ESA ne se doutait sans doute pas qu’elle obtiendrait des résultats aussi vite. Le 13 avril, des amateurs français ont, en effet, été les premiers à redécouvrir la comète de Rosetta.

UN suivi depuis le sol extrêmement utile

Le 8 avril dernier, l’ESA appelait les astronomes amateurs du monde entier à participer à une grande campagne d’observation de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko. En parallèle avec les observations réalisées in situ par les instruments de la mission Rosetta et avec celles faites par des instruments astronomiques professionnels terrestres et des télescopes spatiaux, il est en effet extrêmement utile de bénéficier de la capacité des astronomes amateurs dispersés sur la Terre entière à réaliser un suivi visuel et photographique de la comète pratiquement continu. À l’approche du Soleil, il peut se produire de brusques épisodes de dégazage et leurs observations simultanés par Rosetta et depuis la Terre peut en apprendre beaucoup sur leur nature, leur intensité et leur déroulement. 

Padma A. Yanamandra-Fisher, coordinatrice de cette campagne pour la mission Rosetta avec Colin Snodgrass, précisait ainsi son but dans un récent communiqué : « Cette comète tourne autour du Soleil en près de 6,5 années et il s’agit de la 7e apparition que nous pouvons observer depuis la Terre. Chaque passage s’est déroulé différemment et les observations que nous espérons récolter nous aideront, en les combinant avec celles des instruments de Rosetta, à augmenter notre compréhension globale de cette comète. C’est vraiment une occasion unique de suivre l’évolution d’une comète qui est accompagnée et scrutée en continu par une sonde spatiale. » Les astronomes amateurs, quels que soient leurs moyens, peuvent participer à cette campagne mondiale en envoyant leurs observations, photographies, dessins, spectres, estimations d’aspect et de magnitude tout au long des prochains mois ; il leur suffit de s’inscrire au préalable sur le site de la campagne. Toutes les observations sont recensées et diffusées sur le site Facebook de la campagne. Quant aux astronomes professionnels, ils peuvent se rendre sur cette page pour en savoir plus et pour communiquer leurs observations terrestres.

Un téléscope de 400 mm

La qualité des images de 67P obtenues le 19 avril 2015 par des astronomes amateurs français, avec un télescope de 400 mm installé au Chili, permet déjà de voir l’amorce de la queue en train de se développer.

Actuellement située à l’ouest de la longue constellation des Poissons, à près de 30° de la position apparente du Soleil, la comète 67P ne se lève que quelques dizaines de minutes avant l’astre du jour aux latitudes européennes et son éclat encore très faible (proche de la magnitude 16,5) ne permet pas de la voir dans la clarté de l’aube. Mais cela n’a pas représenté un obstacle pour les astronomes amateurs français Jean-François Soulier et Jean-Gabriel Bosch qui, avec Thierry Noël, utilisent à distance depuis déjà plusieurs années un instrument installé au nord du Chili. Ce télescope de 400 mm de diamètre de type Ritchey-Chrétien est l’un des nombreux instruments du SpaceObs, un centre astronomique crée en 2003 à San Pedro de Atacama par le Français Alain Maury. L’altitude du SpaceObs (2 400 m) et sa latitude australe (23° sud) sont actuellement des atouts maîtres pour la recherche et l’observation de 67P, car elle se lève près de 2 heures avant le Soleil et grimpe à la verticale sur la voûte céleste. En fait, comme le précise Jean-François Soulier :

 l’obstacle principal est la pollution lumineuse naturelle qui éclaire le fond du ciel avant l’aube dans la zone où circule la comète et diminue le contraste de son petit point diffus.

Ces amateurs ont tout de même réussi à obtenir des images exploitables dès le 13 avril et à confirmer leurs observations dans les jours suivants. Il faut préciser qu’ils n’en sont pas à leur coup d’essai puisque leur petite équipe bénévole est actuellement la 3e mondiale pour le nombre de comètes observées par an et réalise des surveillances régulières de très nombreuses comètes en collaboration avec des astronomes professionnels du monde entier.

6,5ans, tour complet autour du Soleil

La comète 67P/Churyumov-Gerasimenko tourne en 6,5 années autour du Soleil, sur une orbite elliptique qui l’amène au plus près à 186 millions de km de notre étoile et, au plus loin, à 850 millions de km.


67P vue depuis la Terre

  • Ne se lève actuellement que quelques dizaines de min avant le Soleil aux latitudes européennes
  • Eclat est encore très faible
  • Dans la constellation du Taureau à la fin du mois de juillet
  • Une petite tache diffuse et l’amorce d’une queue
  • Sa magnitude pourrait dépasser 13 à la fin de l'été avant de commencer à décroître

invisible à l'oeil nu

Les 1eres images terrestres de 67P après sa récente conjonction solaire révèlent une petite tache diffuse et l’amorce d’une queue. D’après Jean-François Soulier et Jean-Gabriel Bosch : « sa magnitude semble un peu plus faible que prévu, 16,9 au lieu de 15,9 prévu sur le site du Minor Planet Center pour le 13 avril, mais il faut être prudent sur la qualité de nos mesures car les conditions d’observation étaient encore très délicates. L’essentiel est cependant que 67P soit bien à la position attendue ! Cela ne fait aucun doute sur nos images et nous allons naturellement poursuivre la surveillance aussi longtemps que possible. » N'hésitez pas à consulter leur site pour en apprendre plus sur leurs techniques d'observation et pour découvrir leurs plus récentes images.

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Illustration de la trajectoire de la comète 67P autour du périhélie et de l’augmentation de son dégazage, avec une indication du niveau de la température pour le noyau Crédits : Crédits : NASA/JPL.

La route est encore longue jusqu’au périhélie (13 août 2015) et les prévisions, basées sur l’activité du noyau lors des précédents passages, annoncent que l’éclat de cette comète devrait être multiplié par plusieurs dizaines de fois dans les mois qui viennent. Fin juillet, elle circulera dans le Taureau et deviendra observable avant l’aube dans les grands instruments d’amateur aux latitudes européennes.Elle circulera dans la constellation des Gémeaux en août, dans celle du Cancer en septembre et dans le Lion en octobre-novembre.

À la fin de l’été et au début de l’automne, la magnitude de 67P/Churyumov-Gerasimenko pourrait dépasser 13 avant de commencer sa décrue. Cette comète ne sera jamais visible à l’œil nu sans instrument. Photographiquement, en revanche, cela restera un astre petit mais possible à détecter avec un téléobjectif et une pose relativement courte.

passage au périhélie

Lorsqu’elle passe au plus près du Soleil, la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko est encore à plus de 1,2 unité astronomique de lui, soit au-delà de l’orbite de la Terre. Elle a été observée à chacun de ses retours près du Soleil depuis sa découverte (1976, 1982, 1989, 1996, 2002, 2009), si bien que les astronomes savent comment elle se comporte généralement au périhélie et estiment que la recrudescence de son activité ne devrait pas mettre la sonde Rosetta en péril le 13 août 2015, lorsque celle-ci sera en orbite autour de son noyau.

Jeudi13août

Rosetta est une mission de l’ESA avec des contributions de ses États membres et de la NASA. Philae, l’atterrisseur de Rosetta, est fourni par un consortium dirigé par le DLR, le MPS, le CNES et l'ASI. Rosetta est la 1ère mission dans l'histoire à se mettre en orbite autour d’une comète, à l’escorter autour du Soleil, et à déployer un atterrisseur à sa surface.